Ma note : 4 étoiles sur 5
La terre n’est qu’un seul pays est sans aucun doute le pionnier francophone des récits de voyage en auto-stop. C’est sans doute étrange que j’aie tenu depuis 6 ans un site Web sur le stop sans le lire ni en parler. En effet, il n’est pas simple d’aborder un monument surtout lorsque l’on est qu’en chaloupe…
André Brugiroux a fait un long voyage: 400,000 km en auto-stop autour du monde. Pour faire une circonvolution de la planète, il n’en faut que 40,000. C’est dire que ce voyage fut composé de détours ! Rédigé à la mi-carrière de « l’homme qui voulait voir tous les pays du monde » et qui a « pris une vie sabbatique », ce récit comprend les premiers voyages des jeunes années de l’explorateur, ainsi que le départ vers le Canada et le tour du monde qui s’ensuivit.
Rien ne le prédestinait à faire ce voyage à bout de pouce, son départ vers l’Amérique du Sud en voiture avec deux Canadiens ressemblant plutôt à un faux départ pour le plus grand auto-stoppeur français. Mais on ne naît pas puriste, on le devient ! C’est la pratique du voyage qui a façonné Brugiroux en un baroudeur têtu, voire borné, au détriment de sa santé sur de longues portions du voyage.
Si le récit permet de bien comprendre l’homme et surtout le personnage, il concorde bien avec ses conférences si souvent entendues. Maintes et maintes fois, je l’entendais rouler ses rrrr pour rrrraconter en gesticulant alors que je parcourais les paragraphes. Les histoires sont belles, à la fois dans leur grande diversité culturelle qu’à travers le cheminement spirituel de l’auteur dans sa découverte de la foi bahá’íe pour lequel il deviendra sans doute le représentant le plus connu en France. Ouvragé avec amour, le texte se lit comme une rivière qui coule de source, anecdote sur anecdote. On reconnait à la fois l’égo démesuré que trimbale l’auto-stoppeur dans son petit bagage, mais aussi sa quête humaniste et universaliste.
Le gros reproche que j’oserais lui faire, c’est de passer si rapidement sur l’expérience du continent africain, où l’épuisement de l’aventurier n’a d’égal que son entêtement. Ainsi, on le voit disserter sur l’Homme africain, son frère et son ami, mais on ne peut s’empêcher de voir des relents coloniaux à cette vision simplifiée de la diversité continentale, tout comme les jugements émis quant à leur besoin de recevoir la modernité des autres peuples, de l’Occident. Il faut rappeler que ce live fut d’abord rédigé et publié il y a plus de trente ans (il en est à sa 20e édtion !), quand le discours sur le féminisme et l’anti-racisme n’était pas le même même dans les sphères plus progressistes. Ces aspects du livre ont certainement mal vieilli. Tant que l’auteur relate son point de vue sur les choses, on ne peut pas contredire son expérience, mais à partir du moment où il formule des souhaits pour un monde meilleur, une vision de cet universel pacifique, la critique peut se construire et elle est à mon avis très saine.
En somme, je recommanderais ce livre à des voyageurs aussi têtus que lui ou encore des voyageurs de canapé. J’ai maintes et maintes fois usé de Wikipedia et de cartes pour retracer son parcours, surtout dans les régions d’Asie que je connais moins. Un voyage au fil de la terre n’est pas une expérience anodine, encore moins de nos jours. Suivre la carte du doigt fut un réel plaisir. Redécouvrir André en fut un autre. Si son livre La route et ses chemins portait plus sur la réflexion, la philosophie du stop et du voyage alternatif (et donc me touchait plus au cœur de mes recherches), La terre n’est qu’un seul pays m’a permis d’accompagner l’homme dans son périple, dans ses faiblesses et dans ses obsessions, mettant au loin le monument du stop pour mieux comprendre l’humain qui se trouve juste devant.
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