Ma note : 5 étoiles sur 5
« C’est un livre écrit par une journaliste, c’est donc un livre de journaliste » m’avait dit Anne lors d’une de ses conférences sur les Inuit au musée Dauphinois de Grenoble. Nous avions alors discuté du nord et de son attrait magnétique, de ses nombreuses visites au Nunavut et au Nunavik, de ses expériences là-bas comme randonneuse et des préjugés souvent véhiculés par les Canadiens du sud sur les peuples autochtones. « J’ai voulu écrire un livre qui ne parle pas spécifiquement des choses qui vont mal. On sait ce qui va mal, mais les Inuits ne se réduisent pas à ça. »
À mon sens, c’est un pari réussi. Avant de la rencontrer, j’étais un peu inquiète de lire un ouvrage sur un peuple que je connais aussi bien puisque j’ai vécu un an au Nunavut. J’ai trop souvent lu des simplifications, des analyses déconnectées et des préjugés même au travers des dossiers journalistiques étoffés. L’ouvrage évite cet écueil en donnant le plus souvent possible la paroles aux représentants de ce peuple sous la forme d’interviews de leaders reconnus par les communautés tant au niveau politique qu’au niveau des arts, de l’économie, de l’éducation et du rayonnement international. Quelques interventions d’analystes reconnus viennent compléter le tableau, mettant en valeur la résilience de ces communautés soumises depuis quelques décennies à des fortes pressions géopolitiques (guerre froide), politiques (tentative d’assimilation dans les pensionnats) et maintenant environnementales, les Inuits étant aux premières loges des changements climatiques.
En nous présentant des personnes et en leur permettant de s’exprimer sur les sujets qui les concernent, Pélouas donne un visage aux luttes que mènent les Inuits. On sent que leurs actions s’inscrivent dans un continuum auprès des erreurs du passé et des défis du futur, et ça nous fait sortir du sempiternel « Entre tradition et modernité » où sont cantonnés les peuples dits traditionnels par trop d’analystes néocolonialistes. Les portraits sont contemporains, dynamiques, représentatifs et inspirants. Sans nier l’état préoccupant de certains paramètres sociaux et environnementaux, on s’attarde à la vision lucide qu’en ont les premiers concernés et aux stratégies qui font des Inuits un peuple résistant, tel qu’annoncé en couverture.
Mon seul regret, c’est que l’ouvrage se cantonne aux Inuits du Nunavut et du Nunavik exclusivement. Peu est dit sur les Inuits canadiens des régions Inuvialut ou Nunatsiavut et rien sur les métis NunatuKavut. Les Inuits de l’Alaska et du Groenland sont délibérément écarté du propos de l’ouvrage. D’une part on se félicite que l’auteure se soit limitée à ce qu’elle connaissait bien, d’autre part il me semble dommage de les éluder complètement alors que la couverture titre « Les Inuits résistants ! »
Je recommande chaudement ce livre à toute personne s’intéressant au Nord du Canada dans sa dimension humaine riche et complexe et qui souhaite découvrir ce qu’en pensent les Inuits eux-mêmes dans un ouvrage simple, clair et actuel.
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