Certains d’entre vous savez peut-être que la fête nationale du Canada a lieu quelques jours avant celle des États-Unis, c’est à dire le 1er juillet de chaque année.
Traditionnellement, les Québécois fêtent assez peu cet événement, à moins bien sûr de se trouver près de la frontière ontarienne ou de se sentir particulièrement fédéraliste. Dans les rues de Montréal, la grande majorité de ceux qui portent sur eux la feuille d’érable rouge sont les néo-Québécois. De façon générale, les Québécois fêtent plutôt la Saint-Jean-Baptiste le 24 juin, qu’ils appellent « fête nationale » et la soulignent à coups de concerts, de feux d’artifices, de bière et de fêtes familiales.
Le point le plus comique dans cette histoire, c’est qu’au Québec, la fête du Canada coïncide avec une date-clé : la date standard de début et fin des baux de location. Chaque année, on estime qu’entre 200 000 et 250 000 ménages changent de logement, soit près du cinquième de l’ensemble des locataires. Dans les plus grosses villes comme Montréal et Québec, la proportion de locataires est très forte, et les jours entourant le 1er juillet sont le théâtre d’une danse singulière : la fête du déménagement.
Les rues étroites se remplissent de camions de toutes tailles qui les encombrent. Pendant 5-6 jours, les compagnies de location font un chiffre d’affaire monstre et on s’acharne à aligner les départs et les arrivées de tous et chacun dans son nouveau chez-soi.
Au fil des ans, la fête du déménagement est devenue la fête du gaspillage. Au moment de faire les boîtes, pour des raisons incongrues, les gens se débarrassent d’une quantité incroyable de choses en les mettant tout simplement à la poubelle.
Le paradoxe est particulièrement intense dans le quartier du Plateau Mont-Royal : les bobos du quartiers emplissent alors les poubelles de nourriture biologique et équitable, sans bien sûr en recycler les emballages de carton…
Dans les semaines précédent la fête, un grand nombre de « ventes de garage » ont lieu, brocantes improvisées devant les maisons des particuliers. Les invendus dont on voudra se débarrasser seront ensuite placés au bord du chemin, le plus souvent dans d’immenses sacs poubelle ou bien coiffés d’une petite pancarte « à donner » si l’on a des remords. Parfois, on voit même un petit panneau « fonctionne » au-dessus des petits électroménagers. Le contenu est éclectique; on y trouve des meubles encombrants, des vêtements, des livres, des ustensiles et outils, des aliments périssables et non-périssable, des médicaments, des savons, shampoings et autres produits d’hygiène, des articles de sport…
Les photos qui décorent cet article ont toutes été prises dans un périmètre de 300 m de mon point de départ. Certaines ont été prises d’un même endroit, dans des directions différentes.
Les gens du voisinage ne se gênent pas pour fouiner dans les tas de détritus et y récupérer ce que bon leur semble. Pour mon frère, cela représentait bon an mal an un nouveau canapé, et on sortait l’ancien sur le perron, pour y veiller le soir et regardant les passants. Il n’est plus mal vu de le faire, même si certains s’y répugnent. Hier, c’est une guitare électrique qu’a vue ma voisine Véronique : « Elle n’avait plus de cordes, mais ne paraissait pas abîmée. J’ai hésité, et quand je suis revenue sur mes pas, il était trop tard, un gars l’avait déjà dans les mains et jubilait. »
Le rapport avec le voyage alternatif ? L’optimisation.
Un grand nombre de pratiques du voyage alternatif impliquent une optimisation des ressources déjà en place. L’hébergement chez l’habitant et l’échange de maison évitent à long terme la construction de nouveaux hôtels, la consommation de produits jetables et suremballés, etc. Le covoiturage et l’auto-stop remplissent des places inutilisées dans les voitures qui effectuent tout de même le trajet.
Enfin, la récupération des « déchets » qui n’en sont pas et leur détournement des sites d’enfouissement est un acte écologique. La pire absurdité, c’est que d’innombrables produits de consommation soient jetés plutôt qu’être passés à des proches ou amené avec soi. Des produits ont ainsi été transformés, manufacturés, emballés, transportés et vendus pour ensuite être jetés et se dégrader sans même avoir comblé le besoin pour lequel ils ont été achetés.
Un autre fait choquant, c’est qu’il existe une multitude d’associations qui se chargent de la récupération et de la revente des vêtements, meubles et objets divers au profit d’organismes de charité. Leur porter ces surplus prendrait tout au plus une heure. Des banques alimentaires pourraient redistribuer les aliments non-périssables. À vue d’œil, il serait possible de réduire au moins de moitié le volume des déchets produits pendant cette semaine en prenant le temps d’utiliser les infrastructures existantes.
En conclusion, n’hésitez pas à fouiner dans les poubelles entre deux concerts du Festival International de Jazz de Montréal ! Vous rendez alors service à la planète et aux Montréalais, tout en faisant un léger contrepoids à la bêtise humain et faisant vos « courses ». 🙂
Par ailleurs, connaissez-vous les déménageurs à vélo de Montréal ?
1 Commentaire for “Fête nationale du déménagement : Curieuse coutume du Québec”
Megan Earl
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