Être sur la route, c’est entrer en communion avec le mouvement. Après autant de temps passé loin des routes, il y a des choses que je ne sais plus faire. Prendre le train m’est pénible; même en m’y préparant, je deviens impatiente mais surtout bien à côté de moi-même.
Derrière moi, la station London Bridge. Au devant, les deux bouts d’acier tricotés de bois massif qui me mèneront à une station-service Shell en bordure de la A20, me transportant hors de l’enfer londonien, ville que j’ai maintenant apprise à haïr. J’ai fait le voeu de ne plus jamais y retourner et je me demande si ce sera possible. Oui, sans doute et c’est bien triste pour Emma qui vit son rêve britannique le plus pur, dans la poésie et l’art, dame de compagnie d’une dame tout à fait fabuleuse, excentrique et aussi impossible à vivre que nous, les sorcières incroyables.
Les rails oxydés me narguent, le train sait que je l’aime après tout, d’un toit à l’autre, d’une cheminée cassée jusqu’au paratonnerre suivant, nous défilons entre les arbres et mon humeur pensive sursaute à peine. Les wagons mélancoliques ramènent les hommes à un aspect pur du mouvement, homogène, solide, défilant soyeusement, berçant les voyageurs au rythme des cliquetis.
Bientôt, une veste fluorescente et l’attente patiente. Une voiture m’apostrophe, on me sollicite pour des services que je n’offre pas. Merci, au revoir, bon courage, bonne chance. Un américain s’arrête, il déteste Londres tout autant que moi. Sa soeur pète un câble, elle devra prendre l’avion pour l’Afrique du Sud cette semaine, un retour chez sa mère car tout s’écroule. « J’ai besoin de sortir de la ville car elle rend tout le monde dingue à petit feu. À peine trente kilomètres et on retrouve la paix. »
J’ai besoin de sortir de la ville car ce n’est qu’un arrêt sur image. La cinématique présente beaucoup plus d’intérêt.
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