Récemment, j’ai reçu deux jolis emails de mon ami Baptou.
Avec sa permission, j’en publie ici quelques extraits que je trouve inspirants, notamment en lien avec mes écrits récents sur l’aventure locale.
Partir à pied, pourquoi? Parce que j’ai voyagé en train, en avion, en voiture, en camion, à vélo, mais pas encore vraiment à pied. Parce que finalement, c’est tout de même le moyen de transport le plus économique, le plus simple, et le moins compliqué, puisqu’on ne dépend que de peu d’objets matériel, en l’occurrence, une paire de sandales en cuir. Mais aussi, parce que ça va lentement, que ça laisse le temps de penser, de découvrir, de rencontrer… C’est aussi la façon de faire un pèlerinage, et cette idée me plaît.
C’est au bord du fleuve de son enfance, la Loire, que Baptou a marché, attachant une grande importance à la symbolique de l’eau. Depuis l’estuaire, il effectue un retour aux sources. Son aventure prend également une forme spirituelle :
Outre le fait de partir seul et à pied, ce voyage a quelque chose de spécial: je pars sans rien.
Sans rien? Tout nu? Non, pas totalement. Je prend sur moi mes vêtements de tous les jours, avec une casquette pour le soleil, une polaire et une paire de chaussettes pour le froid, et un poncho pour la pluie. Je m’offre le luxe de m’équiper d’un couteau de poche (qu’un ami a fabriqué pour moi pour l’occasion), d’un carnet et d’un stylo. Je n’emporte pas d’argent, ni aucun moyen de paiement.
[…] je compte demander l’hospitalité au fil des mes pérégrinations, et je compterais uniquement sur mes rencontres pour me nourrir et me loger. Honnêtement, je ne pars pas sans appréhensions; j’affectionne tout particulièrement dormir le ventre plein, au chaud, dans un lit et après une bonne douche. Mais, bien que j’imagine qu’il va peut-être y avoir des soirs où ça ne seras pas le cas, je pars confiant.
C’est d’ailleurs la motivation de ma démarche, la confiance. Confiance en moi, confiance en la vie, confiance en les personnes que je vais rencontrer. Je pense que ce monde a besoin de confiance, je pense que je manque souvent de confiance, alors je m’en vais la mettre en oeuvre! Je ne sais pas si j’irais jusqu’au bout. Peut-être qu’au bout de deux jours je me serais aperçu que ça ne me convient pas du tout. […]
Voilà, quelques semaines ont passé et j’ai pensé quelques fois vous parler de Baptou. Imaginez ma surprise lorsque je reçus le message suivant moins d’un mois après son message initial :
Ça y est, mon voyage est fini! Comment ça, seulement moins d’un mois après être parti?! Là, vous vous dites: soit il a marché très, TRES vite, soit il a arrêté en cours de route. Et bien, ni l’un ni l’autre!
Baptou a-t-il échoué dans son aventure ? Non, il l’a transformée pour qu’elle lui ressemble vraiment.
J’ai marché 2 semaines et demi. Ça a été une belle expérience, sauf les deux premiers jours, abominables, ça m’apprendra à partir mal équipé! Mais, si la marche en solitaire est une chose que j’aime; au bout de deux semaines cette solitude m’a pesé. Surtout que, comme je dépendais des gens pour me nourrir et me loger, je ne pouvais pas profiter de cette solitude à fond, c’était donc une solitude sans vraiment l’être, et du temps passé avec d’autres sans vraiment pouvoir approfondir la relation.
Assez rapidement j’ai ressenti un grand besoin d’être avec des gens proches, pour pouvoir prendre le temps de la relation et une grande envie d’entamer des projets que j’avais en tête. Pourtant ce chemin, lent et aléatoire me plaisait, j’avais envie de le continuer un peu, mais il me fallait trouver une façon de le transformer, de l’arrêter ou de l’accélérer. C’est à Orléans, après un peu plus de 400 km à pied, que la solution s’est présentée: le vélo! On m’a avancé de l’argent pour que je puisse m’acheter un vieux vélo à Emmaüs. Ça m’a permis de continuer mon voyage tout en sachant que j’allais arriver plus tôt que prévu, et la solitude m’a tout de suite beaucoup moins pesé! Pas de regrets pour la marche, j’ai toujours mes jambes et elles me porteront encore loin et souvent à pied! Mais dans d’autres voyages et sous d’autres formes…
L’escapade fut même fertile en nouveaux projets, en défis, en ajustements :
Cependant, d’autres projets sont nés dans mon esprit au fil des jours. Par exemple, l’envie d’en descendre une partie en canoë pour profiter pleinement de l’eau et de son rythme, apprécier réellement toutes les espèces d’oiseaux qui peuplent la Loire, camper sur quelques unes des centaines d’îles qui se font et se défont au rythme des crues d’hiver. Ce sera pour une prochaine fois…
Par-dessus tout, Baptou a atteint un objectif précis, celui des sources de la Loire, son but épique, sa légende personnelle.
Et les sources? Ah, les sources! J’y suis arrivé hier, et c’était toute une épopée! 15 km à vélo, il m’a fallu deux heures! La montée, mon genou douloureux, l’orage, la pluie torrentielle, la grêle parfois, les éclairs, le tonnerre, et surtout, surtout un vent de face qui soufflait si fort que même en descente je devais forcer sur les pédales pour avancer! Mais j’y suis arrivé! J’ai vu et bu la Loire à sa source la plus haute, tout trempé de l’eau de la pluie qui se joindrait bientôt au flot du fleuve pour redescendre jusqu’à l’océan que j’avais quitté presque quatre semaines plus tôt.
C’est ainsi qu’il a vécu son aventure, à son échelle, quelque chose de grandiose, de grisant. Quelque chose qui l’a fait devenir plus grand que sa propre personne. Comme s’il ne l’était pas assez, du haut de ses 1,95m !
Connaissez-vous d’autres exemples d’aventure locale ?
(Ajout) Liens mentionnés dans les commentaires :
Benoît-Joseph Labre (sur Wikipédia), Site des Amis de Saint Benoît Labre
Peace Pilgrim
Jean Béliveau (site Web), marcheur canadien qui vient de terminer son périple (reportage sur Radio-Canada)
2 Commentaires for “Aventure locale: le pèlerinage de Baptou”
Anonymous
dit :Partir sans bagages, sans argent, j’ai déjà voulu le faire. Un groupe d’amis prévoyait partir comme ça, en équipes de deux ou trois, dans ce qu’ils appelaient le pèlerinage de St-Benoit-Labre (patron des itinérants, des pèlerins, des célibataires, des mendiants). Pour diverses raisons ça n’a pas eu lieu et par moi-même je n’ai pas osé. Peur d’avoir faim, froid, trop habitué à camper « confortable ». Pourquoi qu’à deux ou trois je l’aurais fait, je ne sais pas, un certain esprit de groupe, un soutien mutuel, une intelligence collective ? malgré qu’on s’en remet « à la grâce » dans un lâcher-prise.
Une « folle » inspirante : « Peace Pilgrim » cette femme qui a marché 25 000 miles, à travers les États-Unis, sans bagage, sans argent…
Quand Baptou dit : « comme je dépendais des gens pour me nourrir et me loger, je ne pouvais pas profiter de cette solitude à fond »
… ça me ramène à d’autres « aventures locales » où j’ai eu un sentiment de solitude nourrissant, sans malaise, mais c’était en partant avec un minimum de bagages et de nourriture, assez pour ne pas avoir à acheter quoi que ce soit ou être à la recherche de ressources extérieures. Partir sur des routes de forêt, seul ou avec quelques amis, qui apprécient passer du temps en silence même si on est ensemble, c’est moins un dénuement, mais tout de même, sans auto, sans itinéraire précis, on peut se concentrer sur l’expérience, être ouvert à ce qui survient.
Une façon que j’ai aimé partir camper sur le pouce : ne pas avoir de destination, prendre tout lift qui m’amène ailleurs que dans une ville, jusqu’à ce que ce soit assez beau pour que j’aie le goût de m’y arrêter pour camper. Je me souviens d’un beau coin dans Lanaudière où j’ai abouti comme ça, au bord d’une rivière au printemps.
L’écrire me donne le goût de repartir, camper, là, ou demain vu que je préfère quand même pas mettre le plombier dehors à l’instant…
Merci d’avoir partagé l’histoire de Baptou, ça inspire.
Michael
Globestoppeuse
dit :Merci pour ces commentaires, Michael ! J’ai rajouté des liens au bas de l’histoire vers les personnes/phénomènes que tu mentionnes.
Je voulais aussi écrire un artcile sur Jean Béliveau, le marcheur canadien qui vient tout juste de rentrer à Montréal, mais j’ai manqué de temps dernièrement. J’ai tout de même ajouté quelques liens sur lui.
À moi aussi cette histoire fournit de l’inspiration. J’hésite beaucoup en ce moment pour un départ en auto-stop vers Yellowknife en janvier, étant donné la grande distance et la rudesse du climat canadien en hiver. Chose certaine, ce ne serait pas un voyage à réaliser sans équipement. Toutefois, la solitude risque d’être bien présente lors d’un tel voyage, sur les grands espaces des autoroutes canadiennes…