Interview-stop : Maria et Séverine, un tour du monde en auto-stop

Maria et Séverine partent faire un tour du monde en auto-stop comme ça, pour vivre un rêve. Elles ont 56 et 40 ans respectivement alors je suis trop heureuse de parler d’elles. Combien de femmes, après une conférence, viennent me voir en me demandant si elles ne sont pas « trop vieilles pour voyager » ? Ma réponse habituelle : « Passé la majorité, l’âge n’est plus une excuse valable : trouvez-en d’autres plus crédibles. »


À ma connaissance, c’est la première fois que des FEMMES partent sur un projet similaire. Comme elles partent dans un mois jour pour jour, j’ai voulu souligner leur départ imminent en leur posant quelques questions de globestoppeuse à … globe-stoppeuses !

Faire du stop en tant que femmes, ça ne vous fait pas trop peur ? Vous avez déjà fait du stop auparavant ?

Séverine : Personnellement, ça ne me fait pas peur. Bien sûr, avec Maria nous serons prudentes même si le risque zéro n’existe pas. Nous allons faire du stop, dans la mesure du possible, dans les stations-services, là ou les véhicules sont à l’arrêt, de manière à pouvoir sélectionner notre chauffeur, ce qui diminuera un peu les risques d’être prises par « n’importe qui » ! Il est certain qu’être prise par une dame seule ou un couple de personnes âgées est toujours plus rassurant que par deux hommes !!
Maria : L’insécurité est partout, même en France. Nous ne sommes à l’abri nulle part. A nous de faire attention… Et puis si on n’avait peur, on resterait chez nous ! J’ai déjà fait du stop. Adolescente. j’en faisais tout le temps, je montais avec des hommes seuls et je n’ai eu aucun souci. Au contraire, je trouve que c’est un bon moyen pour sympathiser avec les gens et faire de nouvelles rencontres. Par contre, avec Séverine, nous avons voulu essayer ensemble une fois pour voir comment on allait se débrouiller, et bien au bout de 10 minutes un chauffeur routier nous a prises à bord de son camion. Bien sûr, cette expérience en France sur une courte distance ne sera sûrement pas la même à l’étranger, mais on reste confiantes.

Plus qu’un mois avant le départ. Comment vous sentez-vous ? Êtes-vous prêtes ?

Nous sommes plus que prêtes, nous sommes dans les starting-blocs !!! Dans notre tête nous sommes parties déjà depuis bien longtemps. Depuis des mois maintenant, nous ne vivons que pour ce départ, du matin au soir, notre quotidien tourne autour de notre projet. On ne pense qu’à ça !!!

Severine : Les derniers jours vont être les plus durs, car on sait que la date approche à grands pas…Il faut mettre les bouchées doubles pour que tout soit prêt pour le jour J. Un mois, c’est à la fois long et court, long car on se languit vraiment de partir et court car c’est la course contre la montre en ce moment pour essayer de finir de compléter notre budget : mise en place d’un stand « Tour du monde » au marché de Noël de St-Victoret où nous allons exposer notre projet afin de récolter encore quelques dons, participation aussi à des vide-greniers les trois derniers week-end de novembre, … Enfin, nous finirons de boucler la phase de préparation avec l’ organisation d’un « pot de départ », encore une ou deux visites à l’hôpital de la Timone pour y rencontrer de nouveaux enfants malades, effectuer les derniers interviews avec les médias qui vont aborder cette dernière ligne droite dans leur prochain article. Programme encore bien chargé !!

Maria : Je rejoins Séverine dans ses propos. Je rajouterai pour ma part que je n’ai plus rien à moi. J’ai tout réglé les questions administratives pour être en règle : j’ai vendu toutes mes affaires (voiture, meubles..), j’ai résilié tous mes abonnements (téléphone, internet…), j’ai résilié mon bail de location. Je suis pour ainsi dire SDF, je suis hébergée à droite et à gauche jusqu’au départ.

Que pensent les membres de vos familles de ce voyage en auto-stop ? Vont-ils vous rejoindre à certaines étapes du voyage ?

Maria : J’évite de trop en parler, le sujet leur fait peur. Aussi bien du côté de la famille à Séverine que de la mienne, l’idée d’une agression revient très vite à l’ordre du jour. On essaye de les rassurer du mieux que l’on peut, en disant comment on va s’y prendre, mais l’inquiétude se lit sur leurs visages. D’ailleurs la crainte qui revient sans arrêt c’est la traversée de la Mauritanie. J’entends tout le temps dire « c’est un pays qui craint…vous êtes folles de traverser ce pays ! », alors je leur réponds toujours la même chose : que ça craint de partout de nos jours et que si on avait peur on resterait chez soi. Non, je ne pense pas que ma famille viendra me rejoindre sur mon parcours. Mais qui sait ?

Séverine : Oui, effectivement nous essayons de préserver nos familles en évitant d’en parler car elles s’imaginent le pire à chaque fois que l’on en parle. Ce sentiment d’inquiétude est naturel et on ne pourra pas leur enlever l’idée de la tête que faire de l’auto-stop est dangereux. Un de mes frères m’a demandé si j’emportais une bombe anti-agression avec moi, des amis m’ont dit d’emporter un couteau et de le garder à portée de main !! Voilà le genre de discussion qui surgit lorsque nous parlons de l’auto-stop ! Il est évident qu’il faut rester sur nos gardes mais il ne faut pas aller jusqu’à la psychose non plus ! A nous de leur prouver que l’on peut traverser la planète entière en stop sans se faire agresser et surtout sans avoir recours à des « armes » de défense !!

Comment prévoyez-vous de passer les océans ?

Uniquement en bateau et de préférence en bateau-stop : cargo, porte-containers, voiliers, catamarans,… Tout est bon à prendre, pourvu que l’on arrive à bon port ! Sur les routes, nous allons faire de l’auto-stop, donc en mer nous avons opté pour le bateau-stop
.
La difficulté sera de trouver un bateau aux dates et à la destination qui nous correspond même si notre itinéraire n’est pas figé et que tout est possible, on ne trouvera pas aussi facilement un bateau comme un trouve un véhicule terrestre. Il va falloir là s’armer de patience et de persévérance.Nous voulons éviter les transports aériens, donc pas d’avion, sauf cas de force majeure indépendant de votre volonté tels qu’un rapatriement sanitaire par exemple.
On ne peut pas tout prévoir mais c’est aussi ce qui fait le charme de partir comme ça à l’aventure ! Il y a toujours une part d’inconnu que nous ne maîtrisons pas et heureusement d’ailleurs sinon cela ne serait plus un périple, mais plutôt un voyage organisé !!

Selon vous, quel sont les plus gros défis qui vous attendent ?

Séverine :  Sur le plan géographique et à court terme, ce sera de toute évidence la traversée du Sahara occidental et de l’océan Atlantique. Ensuite à plus long terme, celle du Pacifique pour rejoindre l’Asie.
Après, je pense que la barrière de la langue va se faire vraiment ressentir en Asie, lorsqu’il va falloir se faire comprendre pour trouver son chemin ou un hébergement… Souvent dans les petits villages les gens parlent tout juste leur langue, alors je m’imagine déjà en train de faire de grands gestes comme moyen de communication pour palier cette barrière linguistique. Cela va être un sacré défi de tous les instants pour avancer. Mais je pense aussi que l’on va « se taper » de sacrés fous rires !! Certainement que d’autres difficultés vont s’ajouter sur notre parcours, et qui seront à nouveau un défi supplémentaire à relever. Pour l’heure, je ne vois rien de plus qui me semble insurmontable.
Maria :  Moi mon défi c’est d’atteindre Ushuaia ! Une fois là-bas, je sais que j’irai jusqu’au bout. J’ai 56 ans, je suis plus âgée et moins sportive que Séverine donc je pense que mon principal souci, c’est d’être à l’écoute de mon corps et apprendre à gérer l’effort physique. Je me suis entraînée à marcher jusqu’à 25-30 km par jour sans le poids du sac à dos. De toute manière, je me dis que nous n’allons pas faire une course ; on va marcher à notre rythme, prendre le temps d’apprécier, de profiter des beaux endroits que l’on va traverser et quand nous serons fatiguées, on se reposera.
La barrière de la langue je n’y pense pas, car comme le dit Séverine, le langage des signes est universel !
***
 Les belles-soeurs partiront sur les routes
le 17 décembre 2012 à 8h45

depuis l’école Carbonel de Saint-Victoret

Wow ! La traversée du désert ne me ferait pas très peur, mais il est important qu’elles arrivent au plus vite à Dakar car elles risquent de se retrouver coincées aux îles Canaries en février. L’attente en bateau-stop peut-être dure sur le moral, et Ludovic Hubler l’a bien vécue à Dakar. La BDGV leur sera peut-être utile…

Sans vouloir porter de jugement, l’aspect familial me semble un poids de plus dans les bagages de ces femmes inspirantes. Quel dommage de ne pouvoir en parler avec la famille. Qu’en pensez-vous ? Vous êtes vous déjà retrouvées dans une situation similaire ?

4 Commentaires for “Interview-stop : Maria et Séverine, un tour du monde en auto-stop”

Sylvie

dit :

Partis faire le tour du monde sacs au dos en famille avec nos enfants ados de 12 et 16 ans, dans des conditions plus classiques que Séverine et Maria, on a dû aussi faire face à nos familles inquiètes pour nous (santé, scolarité…). Mais au retour, c’était plutôt de la fierté.

Anick-Marie Bouchard

dit :

J’imagine ! À vrai dire, les famille voyageuses m’éblouissent et me fascinent moins pour le courage de faire face aux dangers de la route (sentir le ton ironique ici) que pour l’audace d’aller à contre-courant, malgré les réactions de l’entourage.

Malgré cela, je n’ai jamais entendu une famille dire : « On n’aurait jamais dû partir. » Et vous avez tout mon respect et mon admiration !

Christophe (Voyage Sur Le Fil)

dit :

J’adore ta réponse « Passé la majorité… », j’ai même envie de dire, mais pourquoi, lorsque je voyage, je rencontre très peu de voyageurs ayant plus de 25ans ? Je parle de ces voyageurs partant pour quelques mois au moins!

Donc chapeau bas à Séverine et Maria qui plaquent tout pour partir sur les routes.

Moi même, je grandis l’idée de partir voyager longtemps. J’en ai parlé à mes amis et ma familles, ça ne les a pas trop étonné mais j’ai bien sûr entendu les mêmes craintes:
– tu vas te faire zigouiller
– si tu quittes ton boulot, et qu’il y a la crise au retour?

J’essai de dédramatiser en parlant du dernier fait divers horrible arrivé à deux pas de chez soi…
Mais j’essaie surtout de faire comprendre que c’est devenu une nécessité que de partir. Comme dirait Bernard Moitessier (navigateur) j’ai envie de voyager « peut-être pour sauver mon âme ».

Anick-Marie Bouchard

dit :

On parlait justement de ton deuxième point hier avec ma professeure d’anthropologie du tourisme. Il semblerait que les moins de 25 ans ont une espèce de naïveté récurrente, une confiance face à l’avenir qui fait en sorte qu’ils quittent en se disant qu’ils se démerderont bien au retour.

Ses recherches s’étant concentrées sur des pays anglo-saxons, elle a remarqué que beaucoup avaient voulu s’éviter le pire de la crise en partant voyager.. Hors, la crise est à son pire depuis des décénies et s’éternise en Angleterre…

Le contexte en France est bien différent : même si les années de césures sont mal vues sur le marché du travail, partir à l’étranger pour lutter contre la phase de chômage post diplomation n’est pas tellement stigmatisé : ça peut très bien permettre d’aller maîtriser l’anglais… De plus, beaucoup de jeunes vont « voyager utile » pour aller chercher au passage une expérience qui viendra complémenter leur CV…

Je pense qu’à un âge plus avancé, cela signifie souvent risquer de perdre un CDI, et est jugé plus durement… D’autant si des engagements et responsabilités familiales ou financières s’ajoutent ! Et puis, avec 5 semaines de vacances (2 ici au Canada), on arrive tout de même à voir un peu du pays, et on tient le coup plus longtemps !

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