Le renouveau annuel

Je vais commencer à terminer l’année en écoutant Prince. Bizarrement, je ne l’ai vraiment découvert que lorsqu’il est mort. Il fait du bien.

Je vous écris de mon home à Chambéry en Savoie. Il parait que je ne suis plus vraiment nomade. Moi-même je n’en sais rien. Je ne suis pas étrangère aux longues pauses dans mes voyages, aux changements de camps de base. Chez moi, même la sédentarité est nomade.

J’ai découvert la joie de faire un « immobile de noces », un « soleil de miel » où l’on a réparé plein choses en mode cocooning dans l’appartement de mon nouveau mari. On a été de vilains consuméristes : établi, scie, ponceuse, perceuse, peinture et patères, tablettes de palettes comme des hipsters qui découvrent qu’ils ont deux mains et qu’il n’y a aucune bonne raison de ne pas y planter quelques échardes. Ou quelques griffes de chat, mais ça c’est autre chose.

Mes premiers actes de création de ma maison furent de poser sur les murs quelques marques de mes identités.

J’ai tenté de tisser des liens avec Chambéry, une ville trop quelconque pour qu’elle m’inspire vraiment. Ce n’est ni Grenoble ni Lyon…

Pour m’accrocher à ma nouvelle ville, je me suis raconté des histoires, j’ai établi des parallèles entre ma nouvelle terre d’accueil et une ancienne, Édimbourg. Les deux villes médiévales n’ont certes pas le même cachet, mais certains points les rapprochent. Les Wynd et les Close du Royal Mile sont ici les traboules de la place Saint-Léger. Des bâtiments historiques comme l’hôtel de Châteauneuf, ses escaliers et ses fers forgés m’ont tout de même fait vibrer. S’attacher aux pierres qui forment une ville, c’est déjà créer la nostalgie de son départ. Malheureusement, ça ne remplace pas le lien social.

C’est donc dans cette solitude toute relative que je me trouve, plus de quatre mois après mon arrivée en Savoie. Le sentiment essoufflant que tout est encore à faire et que mes amitiés sont surtout ailleurs, sans que je puisse forcément trouver l’énergie pour reprendre la route. Car s’il y a quelque chose que j’ai trahi par mes choix cette année, c’est bien mon énergie vagabonde, nouvellement investie dans la nidification.

L’amour se compose des rituels que l’on tisse au fil du quotidien. Officiellement, je suis arrivée fin juillet dans mon nouveau pays, pourtant j’ai mis du temps à y assembler les brindilles de mon nid. Les premières semaines furent consacrées à la découverte de ma belle-famille, nichée dans un écrin salin enserrant le golfe du Morbihan. Des jours doux ponctués de repas en famille et de soirées sur la plage, de longs moments où se sont déployées les personnalités travers des débats légers et les commentaires du quotidien. J’avais du mal à prendre la cadence, perdue entre les interminables services et les références à un vécu commun dont je n’avais pas les clés. C’est toujours particulier d’arriver dans une nouvelle famille car rien de son passé ne nous y appartient. On doit se couler dans cet amour déjà tissé sans trop en perturber les dynamiques internes, faute de quoi les rituels se brisent. J’ai préféré y goûter à petites doses pour éviter de trop me répercuter en ondulations; je suis de celles qui font des vagues…

Mon esprit était fatigué par les adieux du Québec, les deuils des projets incomplets et des défis abandonnés derrière moi. L’immobilité a remué mes inquiétudes.

J’ai tout de même goûté le plaisir d’emménager, de modeler un notre nouvel univers à mon image, à notre image devrais-je dire cette fois. En mon absence, l’entropie reprend le dessus sur l’appartement qui se noie alors sous la poussière et le désordre. Il me suffit de revenir pour catalyser l’énergie anabolique de mon amoureux. En quelques jours à peine, nous avions un nouveau four, une machine à coudre, un jambon sec entier, nous avions fait un grand ménage de toutes les pièces, instauré un système de compostage et posé une date pour le mariage.

Notre mariage, cette belle surprise… Autant mes amis auront douté jusqu’au dernier moment, autant je n’ai jamais été aussi confiante. Je ne me souviens pas avoir déjà été plus sereine que le jour de mon mariage. Même Galadrielle aurait eu l’air névrosée à côté de moi.

Le rite de passage d’un étranger en France, c’est la période obligatoire de transition administrative. Un test de rigueur, de patience. Heureusement, je suis plongée tête baissée en novembre dans le NaNoWriMo. Écrire un roman en un mois. J’ai échoué la tête haute. Quand tu écris 41 000 mots sur 50 000, c’est un échec où tu gagnes tout de même 41 000 mots d’avance, c’est un échec en beauté.

J’ai peut-être été trop dure avec l’automne, j’aurais voulu que les choses changent plus vite, qu’elles se mettent sagement à leur place. La grisaille a fait place à un hiver sans neige qui me fait à peine sourire. Je n’ai eu du froid que la grippe pour le moment. C’est en toussant donc que j’écris ces lignes, avec un bémol ou même un dièse – j’ai repris le sport et c’est une grande joie de m’y épuiser.

2017… pour compléter cette envolée, je me dois de formuler à titre personnel quelques vœux, des résolutions peut-être ?

ÉCRIRE PLUS ! Des livres, des billets, des témoignages, des missives, des encouragements, des idées, des polémiques, des prises de position. Me détacher un peu de Facebook comme plateforme de publication et me réapproprier le blog, même pour des partages plutôt courts. Écrire un roman, une chronique, une confession, un récit de voyage. Publier, aussi, puisque ça fait partie du processus d’écriture.

SANTÉ ! Et surtout force, le mot d’ordre pour moi désormais. Je ne veux plus m’épuiser à compenser mes faiblesses, mais bâtir mes forces. La douleur chronique fait désormais partie de mon quotidien, mais ne m’empêchera pas d’être ma propre super-héroïne. Je veux grimper plus haut, courir plus loin, marcher plus longtemps, avoir la tête plus claire, le doigté plus précis, le corps plus léger.

FAMILLE ! La nôtre, celle qu’on bâtit ici dans notre nid, mais aussi la combinaison de l’étendue, de la belle et des choisies. Traverser parfois les petits chocs culturels, les deuils, le paternalisme bienveillant à la Française sans me perdre. Revoir les îles de la Madeleine, mener Pierre chez les Lapierre, embrasser mes racines acadiennes dans la joie ! Voir débarquer en Savoie ma meute écossaise en direct de Haddington, East Lothians. Les étouffer d’amour et de fromage… Boire chez Jojo et Lolo le café torréfié par Andréane, voir grandir Jasmine, Ophélie, Renaud, Simone, Owen, Maisie, Paige… Je ne le savais pas, mais je viens d’une famille nombreuse, en fait. On s’attache à ces petites bestioles !

Trois grands axes à travailler, ça me suffit. Pas de grands voyages pour vous faire rêver. Oh, j’irai loin, c’est sûr. Baltique, Scandinavie, un dernier grand voyage au Québec, en Acadie, peut-être un peu plus à l’Ouest. Et après… En Auvergne-Rhône-Alpes.

À pied. En stop.

Business as usual.

Cet article fut d'abord rédigé en 140 caractères sur mon réseau social favori, Twitter !

3 Commentaires for “Le renouveau annuel”

Jenni

dit :

Salut Annick-Marie.
Je sais pas si tu te souviens de moi ou de Guigui (mon mari). On s’était rencontré à un apéro voyageurs…
Bref, pour te dire que nous sommes actuellement au Québec, à Chicoutimi plus exactement, pour tout l’hiver.
Et au printemps, nous envisageons d’aller faire un tour en Gaspésie et sur les îles de la Madeleine justement, donc si jamais tu y es au même moment, ça pourrait être sympa de d’y retrouver ?.
Bonne année et plein de belles choses dans ta nouvelle vie en France ?.
A bientôt

Globestoppeuse

dit :

Coucou Jenny et Guigui ! Nous on y sera en août, je crois que ça sera un peu tard. J’ai regardé un peu vos aventures, vous avez au moins pris le temps de faire l Cabot Trail, c’est super ! Et je pense que le Saguenay est vraiment un endroit parfait pour faire l’expérience de la culture québécoise. Amusez-vous bien !

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