Une Canadienne errante…
Bannie de ses foyers
Parcourait en pleurant
Des pays étrangers.
Un jour, triste et pensive,
Assise au bord des flots,
Au courant fugitif
Elle adressa ces mots:
« Si tu vois mon pays,
Mon pays malheureux,
Va, dis à mes amis
Que je me souviens d’eux. »
J’aurais dû me rendre au musée de la ville de Reykjavik, c’est ce qui était prévu à mon horaire. Pas plus d’un musée par jour. Une longue balade à pied dans la neige toute fraîche qui n’arrête pas de tomber, brisant les records de précipitations pour la ville depuis 1937.
Je suis là, dans ce désert blanc, profondément insatisfaite, mais ce n’est pas la faute de l’Islande ou de la météo : je tolère de moins en moins ma vie en mouvement.
J’ai juste envie d’être à la maison.
Il faudrait que je n’aie pas de billet d’avion pour demain, que je puisse choisir de rester un jour de plus ou six ou dix car alors je pourrais prétendre que ma maison est ici, je pourrais vider mon sac à dos, empiler mes vêtements de façon ordonnée, poser ma trousse à pharmacie dans la salle de bain et rendre discrètement visite à un amant. Vivre ici et planifier le prochain départ.
Non, j’ai un billet d’avion et il porte la date de demain. Je repars « chez moi ». Cette neige ici n’est pas la mienne. Je n’ai pas d’amant secret en Islande, sinon dans ma tête. Je n’ai pas mon vélo pour braver le temps comme les autres hurluberlus. Le dollar canadien s’effondre et pourtant, c’est lui que je retourne gagner pour renflouer les coffres.
Fuck le musée.
Je suis revenue au café que m’a fait découvrir Sophie le week-end dernier, celui où l’on peut se resservir à volonté et qui laisse les clients s’éterniser sans les embêter. J’ai lu le poème écrit en anglais sur le mur des toilettes. J’ai pleuré un peu, sans trop savoir pourquoi.
La tempête bat son plein. Je crois que mon pull de mérinos rétrécit chaque fois que je le lave, bientôt ce ne sera plus qu’un T-Shirt. Je ramène d’Islande un demi-litre d’huile de foie de poisson, un décapsuleur en forme de pénis et un porte-monnaie décoré de la main de Fatima, trouvé dans la neige au beau milieu de la piste cyclable.
J’aurais envie de rester chez Jamie, de boire d’autres bières avec Katla et Gulli, de manger encore plus et plus de pop-corn avec eux, de faire semblant que je peux être à la maison partout.
Les années passent et je suis de plus en plus fatiguée de bouger. Je ne peux plus être chez moi partout.
Je peux être chez moi chez toi, certes. J’apprécie la chaleur de tes couvertures, la tendresse de tes attentions, je me sens bien à faire ta vaisselle et à ranger un peu ta chambre. C’est DEVOIR partir qui me hante, qui me torture. Si je ne quittais pas demain de mon propre chef, j’aurais quatre jours pour le faire de toute façon, Schengen oblige.
Tout cela va changer bientôt. Je pourrai rester plus longtemps « en France », comme on me dit, « en Europe de l’Ouest » comme je rectifie, mon territoire, ma grande maison. Mais même si je suis libre de bouger comme je l’entends, de rester, de partir, de lever le pouce et les voiles, il y a maintenant un lieu qui n’a pas le même sens pour moi. Ce n’est pas un lieu où mes amis se trouvent, ni la plus belle ville que je connaisse. Quand j’y suis, je reste tapie, je ne sors que pour remplir le frigo et user mon vélo. C’est le seul endroit où je ne me sens pas en exil. Je peux y rester des semaines sans avoir le goût de repartir. J’ai toujours la hantise de quitter son confort…
Je rentre au Québec, à Montréal, auprès des amis de longue date, j’intègre un nouvel appartement et je recommence encore et encore le jeu du travail – sur moi et puis pour l’argent – je régénère les bouts de mon cœur laissés cette année à Sarajevo, dans les monts Taurus ou dans la neige de l’Islande… Comme j’ai hâte d’être à cette maison, celle-là même que je n’ai pas encore vue !
Mais la plus grande hâte derrière, c’est de rentrer chez Moi, avec un grand M. Rentrer là où IL se trouve. Là où ON a brassé de la bière et ON a fait des fondues. Là où je dors en cuillère et où j’ai laissé mon ours polaire en peluche, au cœur géographique de mon territoire… À Chambéry.
Reykjavik, je n’ai pas été sage. On m’a parlé de l’Islande avec beaucoup de tendresse et je me suis coulée dans tes tempêtes. Nous sommes insulaires, toi et moi. T’es belle comme une plage pleine de dollars de sable après l’orage.
Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mis à part cette neige qui tombe encore et qui ne semble pas prête de s’arrêter.
7 Commentaires for “En transit et en stopover – Reykjavik”
Femme Tortue
dit :Merci pour ce magnifique petit bout d’intimité, qui je pense fera écho chez n’importe quel voyageur nomade…
toubkal
dit :Merci d’avoir partager cet article! C’est très utile! Je vraiment aimé le lire! Continuez ce bon travail!
Lucie
dit :Ton article me parle tellement… L’éternel voyageur torturé entre son envie de confort et nouveauté. Ma vie en mouvement me pèse de plus en plus en ce moment… Juste le temps de s’attacher et il faut déjà repartir vers d’autres contrées.
J’espère que tu retourneras à Chambéry pour Te sentir à nouveau chez toi, chez lui.
Globestoppeuse
dit :Merci beaucoup Lucie. La prochaine fois que l’on se voit, c’est lui qui vient à Montréal et on va visiter un peu le Québec ensemble 🙂
Lucie
dit :Encore mieux 😉 Un peu de Chambéry à Montréal !
Amelia
dit :Super article, bravo !
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dit :Bonjour! Bonne nuit!.Je voudrais donner un énorme coup de pouce pour le grand précieux l’information que nous avons ici dans ce blog . Je vais revenir bientôt pour vous lire profiter divertime avec ce site.