L’homme nomade de Jacques Attali
Mon évaluation : 2 étoiles sur 5
Lorsque j’aborde le sujet du néo-nomadisme, on me réfère souvent à Jacques Attali et à son livre « L’homme nomade », laissant supposer que sa contribution aux concepts de ce domaine est marquante.
L’auteur y expose tout d’abord une histoire de l’humanité en termes d’opposition entre les nomades et les sédentaires, puis évoque un présent et un futur où de multiples entités vivent en interdépendance et/ou en concurrence. Ses concepts novateurs sont:
1. Les hypernomades : nomades volontaires, ce sont les cadres de grandes entreprises, les artistes, les chercheurs, etc. Cette catégorie inclut aussi les nomades ludiques comme les sportifs, les touristes, sorte de catégorie temporaire où les autres classes peuvent migrer
2. Les infranomades : nomades involontaires, ce sont soit les descendants des derniers peuples nomades traditionnels, soit les nomades dits « contraints » tels que les travailleurs migrants, les sans-abris, les réfugiés, les déportés, les commerciaux, les routiers, etc.
3. Les sédentaires : classe qu’il définit par opposition aux deux classes nomades, ce sont les ouvriers et professionnels attachés à un endroit en particulier comme les fermiers, les fonctionnaires, les enseignants, les médecins, etc.
4. Les transhumains : réconciliation éthique des valeurs nomades et sédentaires, de la dichotomie, de l’opposition apparente en une nouvelle catégorie humaine adaptée à l’avenir de l’Humanité.
Bien qu’il introduise des concepts d’intérêt et une vision futuriste méritant d’être approfondie, son ouvrage est d’une longueur et d’une platitude lourde. Les sept premiers chapitres s’avèrent être une tentative maladroite de condenser l’histoire humaine, laquelle aboutit en une énumération de noms de tribus et de faits historiques simplifiés à l’extrême, voire contestables.
Attali utilise le mot nomade à tous vents, sans le définir : tantôt ce sont les tribus péripatéticiennes, soit une utilisation généralement acceptée du mot nomade, tantôt ce sont les migrants, même si leur mouvement se produit sur plusieurs générations ou ne représente qu’un seul mouvement majeur dans la vie de l’individu. Il confond allègrement nomadisme, mobilité et migration pour faire ressortir une opposition qu’il ne justifie qu’à la présentation de sa thèse, au huitième chapitre. L’absence de définitions et le manque de clarté quant au paradigme qu’il emploie en fait un livre qui manque de crédibilité et de sérieux. Son ouvrage présente bien une bibliographie abondante (398 !), mais ce sont rarement les faits et les statistiques qui sont sourcés, les ouvrages sont cités en bloc et il n’hésite pas à se citer lui même comme source. À vrai dire, on pourrait croire qu’il cherche à jeter la poudre aux yeux, à impressionner le lecteur par la variété de ses connaissances.
L’objectif des sept premiers chapitres pourrait être facilement atteint avec le quart de l’information qu’ils contiennent, et Attali pourrait alors prendre le temps de clarifier sa posture intellectuelle, gagnant en crédibilité auprès des initiés. D’ailleurs, sans être une experte, j’ai noté un certain nombres d’erreurs et d’imprécisions lorsqu’il traite des Inuits et des Saamis : le nom des langues ou la dénomination qu’il emploie, les traductions qu’il propose et présente comme un fait alors qu’elles sont contestées, ces quelques remarques m’amènent à me méfier du reste du contenu tel qu’il le propose.
Toutefois, bien que ma critique semble sévère, je dois reconnaître quelques points fort à ce livre. Les deux derniers chapitres contiennent l’essentiel de la thèse de l’auteur, laquelle présente une analyse novatrice du présent et d’un futur possible. J’aurais aimé qu’il s’attarde à clarifier sa pensée, à développer ses idées car il est un essayiste de talent. Bien qu’il soit parfois difficile de savoir si l’auteur parle d’événements et tendances présentes ou futures (il passe allègrement d’un temps de verbe à l’autre), le texte est fluide et se lit aisément.
Je ne regrette pas de l’avoir lu, mais j’aurais sans doute pu ne lire que les deux derniers chapitres. Connaissant à présent un peu mieux l’auteur, c’est une façon de lire que je me permettrai d’appliquer si je retrouve la patience d’aborder une autre partie de son œuvre.
1 Commentaire for “Lectures : L’homme nomade de Jacques Attali”
Anonymous
dit :I haven’t read the book, but I appreciate very much this note, cause in the meanwhile I can get the book, I can put some of its ideas in a longer structure.
In general, I agree with the criticism to Attali, about the superficiality of some narrations.
thanks